Ce livre interroge les discours sur l'écoute musicale à partir de
la seconde moitié du XVIIIe siècle, moment où l'on remarque
une inquiétude croissante au sujet des risques qu'elle encourt.
L'oeuvre peut alors s'affranchir d'un ensemble de codes qui
garantissaient une communication immédiate - par référence
à la rhétorique - pour inventer à chaque fois des règles ou des
organismes nouveaux, que saisira une écoute répétée. S'adressant
au XVIIIe siècle aussi bien à l'amateur qu'au connaisseur,
à partir de Beethoven, l'oeuvre pourra constituer à chaque fois
sa propre communauté d'écoute.
L'écoute musicale, comprise comme l'appréhension d'une
oeuvre, est en même temps étroitement liée aux théories portant
sur la perception, qui peuvent même prendre le pas sur
elles à certaines époques. Ces théories sont influencées de leur
côté par des textes théologiques ou philosophiques assurant la
suprématie de l'oeil sur l'oreille, ou l'inverse. Quant à l'écoute
musicale, elle revêtira différentes figures dont on suit ici le développement
: une écoute par association d'images, une écoute
structurelle, une écoute sublime ou une écoute de l'ineffable.
Le notion de discours est entendue au sens fort, comme producteur
d'effets concrets : aménagement de lieux favorisant
telle ou telle écoute, construction sociale d'attitudes - se taire,
fermer les yeux, n'applaudir qu'à la fin d'un morceau... -,
mais aussi marque imprimée sur les oeuvres elles-mêmes, qui
visent un certain type d'écoute : un compositeur ne crée pas
seulement à partir de techniques d'écriture ou d'une vision
poétique, mais aussi à partir de discours, dont la trace se repère
dans ses partitions.