La voix est l'ange tutélaire, le compagnon inévitable. Toujours très près de l'essentiel : cri du nouveau-né, murmure de l'amoureux, hurlement de celui qui souffre sous la torture, gémissement dans l'extase, soupir du mourant. C'est que la voix s'installe là où le sens est en train de naître, dans l'évidence d'une aube, l'imminence d'une fin, l'urgence d'une passion. Mobile, volubile, et invisible quand même. Voici ce qui importe. Ce que l'on perçoit et sent quand une voix nous atteint n'est pas une voix «libérée» du corps qui la profère, c'est le corps même fait voix.
Et cependant la voix est l'indécidable du corps. Elle naît de lui mais elle l'oublie, l'efface. Issue de son dedans, elle n'est pas pour autant son intériorité. Allant vers son dehors, elle n'est pas davantage son expression. Il n'y a pas une intimité du corps que la voix représenterait au dehors. Le corps se fait voix sans pour autant s'exprimer par la voix.