« Voyez ce corps! » À la dernière scène de
Roméo et Juliette, Capulets et Montaigus, accourus au tombeau, sont face à l’évidence : ce drame est le résultat de leurs vaines luttes fratricides. Dans l’œuvre d’Hector Berlioz, le Père Laurence désigne les deux amants dont ils voient horrifiés que « le sang fume encore! ». Or, il n’y a aucun corps sur scène puisque
Roméo et Juliette n’existent qu’en musique. Pourtant, tout le monde « voit » ce qui n’est pas là.
Ce faisant, Berlioz redécouvre un fondement du théâtre : non pas la vision, mais la croyance en la « présence » de ce qui est absent. Il y est amené par sa musique, narrative et évocatrice comme un roman, capable de faire exister un monde sans aucun support scénique.
Ses œuvres explorent ainsi ce qu’est, dans son fondement, l’incarnation théâtrale : le rôle dramatique de la musique, la nature du personnage de théâtre, la valeur du chant face au parler, l’émotion artistique sont totalement repensés. Aventure d’une vie, parcours chronologique aussi bien que logique, son œuvre scénique s’avère prodigieusement novatrice, pressentant le XXIe siècle.
Violaine Anger, membre de POLART (Poétique et politique de l’art), rattachée au Centre d’études et de recherches comparées sur la création, enseigne à l’Université d’Évry Val d’Essonne et à l’École polytechnique