"Chaque garçon indien, à l'âge d'environ douze ans, était censé jeûner durant plusieurs jours et attendre le rêve ou la "vision" où lui apparaissait son "esprit protecteur" individuel, dont il recevait en général une chanson. Par la suite, lorsqu'il souhaitait recevoir "l'aide de l'esprit", il chantait celle-ci en exécutant certains gestes consacrés. Le garçon jeûnait parfois chez lui, le visage noirci de charbon. Plus souvent, il partait s'isoler jour et nuit pour attendre sa vision, tandis que dans certaines tribus la veillée revêtait un caractère cérémoniel. S'il obtenait une vision, il rentrait chez lui en jeune homme sérieux et avisé, prêt à assumer les obligations de son rêve."
Chant de guerre, de guérison ou berceuse : chez les Indiens d'Amérique, on chante pour le bénéfice de tous et chaque danse a un sens, chaque chant, une symbolique. L'expression musicale, dansée, jouée, vocalisée, peut être transmise des esprits aux hommes. Les chansons peuvent aussi se monnayer, d'homme à homme et à prix fort. Frances Densmore prend soin de distinguer ce qui sépare cette culture musicale, riche et variée, de la nôtre. En décrivant l'organisation sociale de chaque tribu et sa conception bien particulière du domaine sonore, à travers les croyances et les pratiques, les rituels et les instruments de musique – instruments à vent, tambours, baguettes, crécelles –, elle parvient à nous faire entendre la large résonance de cette musique au sein des coutumes indiennes. Nous découvrons le chant du scalp chez les Ojibwés, le système de symboles des Chippewas pour retenir paroles et mélodies ou encore l'importance des silences chez les Cocopas. Une civilisation entière apparaît sous nos yeux, avec son histoire, ses cérémonies, ses incantations, ses danses.
Traduit de l'anglais par Julien Besse.