Rusalka, la « petite sirène » de Dvorak, abandonne sa voix pour devenir humaine : pour vivre, elle doit cesser de chanter. C'est aussi ce que l'on exige d'Antonia, l'une des héroïnes des Contes d'Hoffmann d'Offenbach. A l'inverse, semble-t-il, le demi-dieu Orphée doit chanter pour arracher son épouse à la mort - se rendant ainsi mortel lui-même. Tandis que c'est la voix - le chant - des sorcières qui guide le Macbeth de Verdi dans son combat pour l'immortalité...
Puisque l'opéra est un art dans lequel on s'exprime en chantant, il est naturel que ce chant nourrisse la plupart des sujets d'opéras : on ne compte plus les livrets dans lesquels dire, entonner, équivaut à provoquer, conclure ou nourrir l'intrigue.
D'ailleurs, le chant ne compte-t-il pas parmi les toutes premières expressions artistiques de l'homme ? Ne peut-on pas imaginer, même, qu'il ait précédé la parole, l'échange dialogué ? Ne peut-on imaginer, finalement, que le chant se trouve à l'origine de toute histoire, de toute fantasmagorie ? Ces intuitions ont guidé ce livre, construit à rebours : c'est en constatant la récurrence d'une certaine thématique (l'apparition d'un destin, liée à la profération) dans les livrets d'opéra, que l'auteur s'est penché sur le statut de la parole au sein de l'art lyrique, et, plus généralement, dans le cadre des arts représentatifs.
Située aux confluents des sciences du texte, des arts et de la musique, cette prospective se veut accessible à tous ceux qui se sont un jour interrogés sur les pouvoirs du « dire ».