« Les compositeurs d’opéra ont été, plus qu’on ne le croit, conscients
du caractère factice du genre et de la pesanteur des passages obligés
auxquels les acculait l’attente du public. Ce qui les a convaincus
de tout faire pour introduire dans leurs œuvres des éléments
susceptibles de déjouer cette attente. Ce sont ces écarts et ces
détournements que j’ai tenté d’analyser. »
D’abord les paroles ? D’abord la musique ? Plutôt que de rouvrir le
vieux débat, largement résolu par les maîtres du genre, Karol Beffa
préfère déplacer le problème, apprenant d’eux l’art de ruser avec
la norme. Il revisite l’opéra en tant qu’auditeur et spectateur mais
aussi avec ses interrogations de compositeur.
Le résultat est passionnant : ce que montre Karol Beffa, aussi bien
chez Verdi (La traviata, Aida), Ravel (L’enfant et les sortilèges), Strauss
(Elektra), Puccini (La fanciulla del West), Zemlinsky (Une tragédie
florentine, Le nain), Ponchielli (La gioconda) ou l’injustement
oublié Massenet (Le Cid, Cendrillon), c’est leur commune capacité
à remettre en cause des principes établis, à subvertir des codes, à
produire des désajustements dramaturgiques ou musicaux. De la
même façon, Beffa croise les trajectoires de Wagner et Liszt, Ligeti
et Mahler, Górecki et Penderecki pour apprendre d’eux leurs secrets
de fabrique dans le traitement de la voix au-delà de la seule musique
lyrique.
En postlude, Karol Beffa tire ses conclusions pour son propre travail.
Confronté aux problématiques de l’écriture vocale et chorale sous
ses multiples formes, il retrace l’itinéraire qui l’a conduit à mettre
en musique des œuvres littéraires, improviser sur des lectures, ou
encore écrire contes musicaux et opéras.