Le présent livre analyse l’opéra wagnérien – son art, sa politique et sa religion – pour en mesurer la portée et les enjeux, et se demander comment cet ensemble (le wagnérisme) coule. Aucun autre artiste autant que Wagner n’aura posé à ce point d’incandescence, d’énigme et d’équivoque les problèmes de l’art et de la politique, de la musique et de l’esthétique, de la religion et de la mythologie. Wagner représente la tentative de résoudre, dans l’art et par l’opéra, la crise du christianisme ainsi que la crise politique et spirituelle de l’Allemagne, en les transformant par la mythologie et la religion esthétique.
Ce livre commence par analyser l’importance de la mort (du trépas) et de la rédemption dans les opéras de Wagner, du Hollandais volant au Parsifal, et leurs liens essentiels à l’antisémitisme et à l’hitlérisme. Prenant acte d’une certaine impuissance des philosophes à démonter Wagner, il se tourne vers le récit nietzschéen de Thomas Mann dans Mort à Venise, et vers la transposition au cinéma de cette nouvelle par Luchino Visconti, pour suivre la mise à mort littéraire et cinématographique de Wagner à Venise. Il cherche enfin dans les opéras de Mozart, des Noces de Figaro à La Flûte enchantée, une issue libre, vitale, joueuse et joyeuse – «?érotique?» – à la décomposition wagnérienne de l’art et à sa compromission complète avec la politique du pire.
Ce livre montre que l’art de Wagner est aux antipodes de celui de Mozart. Du côté de Wagner on trouve un opéra radicalement chrétien, à cause de l’identification systématique de l’amour à la mort et de l’allergie à Éros. Du côté de Mozart, un opéra résolument païen, qui procède à une affirmation radicale d’Éros et de la liberté, dans une commedia dell’arte qui dissémine le sens dans le souffle aéré et aérien. L’opéra se pensant comme une grande politique en miniature et voulant politiser l’art par la religion (Wagner), contre l’opéra ouvrant une politique démocratique et républicaine par un Éros irréligieux, qui finit par inventer un Diogène au pays de Kant (Mozart).