Aux alentours de 1830, le romantisme s’impose sur les scènes théâtrales, en France et dans toute l’Europe. Le ballet participe avec force à cette révolution esthétique, son succès s’accompagnant d’une médiatisation inédite. S’il fait naître un imaginaire nouveau, il peine toutefois à se dire pour lui-même et, dans cette bataille poétique, c’est la danseuse, à défaut de la danse, qui devient l’objet principal des représentations. De l’air ou de la terre, du Nord ou du Sud, la ballerine cristallise le dualisme de l’imaginaire romantique. Elle se retrouve au cœur d’une entreprise de légitimation et de moralisation de l’art chorégraphique qui passe désormais par une mythographie. Pourtant, d’autres discours révèlent a contrario les aberrations du corps dansant, tantôt source de rire tantôt source d’effroi.
L’enjeu de ce périple à travers les représentations littéraires et iconographiques est in fine de mettre au jour les « deux corps de la danse » : d’un côté, le corps métaphorique, magique et glorieux, que façonne la scène romantique ; de l’autre, le corps faillible et contraint qui en est la contrepartie inévitable.
Bénédicte Jarrasse est professeur agrégée de lettres modernes et docteur en littérature comparée. Elle consacre ses recherches au dialogue entre les textes littéraires et les arts du spectacle, principalement la danse théâtrale, dans l’Europe du XIXe siècle. Elle est membre de l’équipe du projet « Discours sur la danse » de l’Observatoire de la Vie Littéraire de l’université Paris-Sorbonne.