Au terme d'un travail d'enquête mené durant près de cinq années au sein des principaux orchestres parisiens, Bernard Lehmann a entrepris de mettre au jour les hiérarchies et lignes de fracture invisibles, multiples, tant musicales que sociales qui traversent les formations symphoniques. Il met en évidence le lien entre le prestige symbolique d'une famille instrumentale et le recrutement de ses praticiens: aux cordes fréquemment originaires de milieux dominants, s'opposent les cuivres issus des milieux plus défavorisés.
Mais, paradoxalement, les orchestres, dans leur fonctionnement interne, produisent aussi des classifications qui contredisent les hiérarchies sociales: les moins favorisés socialement se trouvent détenir les postes de soliste les plus enviés et les salaires les plus élevés, quand les plus dotés sont souvent renvoyés à l'anonymat des positions de tuttistes.
À travers de nombreux portraits de musiciens, l'auteur montre comment ces hommes et femmes vivent au quotidien leur métier de musicien d'orchestre, relisent leur passé, parlent d'eux, acceptent ou non de jouer le jeu du chef lors des répétitions. En somme, à rebours de ce que laisse entendre le moment du concert et de l'interprétation, Bernard Lehmann affirme sans détour: le musical, c'est aussi du social.