Sir John Tavener occupe une place éminente et singulière dans le concert des musiciens contemporains.
Rompant avec un art qui présente tous les signes d’une fin, il soutient la gageure d’un total retournement, faisant siennes les données de la « Tradition ». Il en trouve une remarquable illustration dans le chant liturgique byzantin dont il s’inspire et qui lui livre, entre autres, la tonique, l’« icône sonore », la « prière du cœur ».
La musique sensible n’est que l’écho d’une musique intelligible fondée sur certains principes qu’il s’agit de redécouvrir : la primauté des voix sur les instruments, l’homophonie, la répétition thématique, le dépouillement, la concision, la lenteur méditative, aboutissant à une musique de l’intériorité : une «musique du silence ».
Loin d’être abstraite et desséchée, c’est là une « métaphysique liquide », inséparable d’une tendresse toute maternelle : Mother and Child, d’une ferveur : Akathist of Thanksgiving, du don des larmes : Lament for Jerusalem. Cette inspiration chrétienne n’exclut pas de plus en plus d’apports venus d’autres religions, - instruments, langues, sonorités, notions -, que transmet la Philosophie pérenne et universelle, et que Tavener n’hésite pas à fondre dans ses compositions : le soufisme : The Beautiful Names, l’hindouisme : Flood of Beauty.
Ainsi, la musique est bien plus qu’elle-même : elle fait du cosmos une théophanie : Hymn of Dawn, convertit l’érotique en Amour sacré : Ikon of Eros, transfigure la mort : Fall and Resurrection. Bien plus, en aidant les hommes à retrouver leur essence, elle mérite d’être considérée comme instrument de réalisation spirituelle.
On devine l’importance et la profondeur dont se revêt une telle musique, laquelle ne se peut entendre qu’avec l’« oreille du cœur ».