Ce livre explore la façon dont le grand
cantor a utilisé les principes rhétoriques dans la conceptualisation formelle des préludes et fugues. La démarche analytique repose sur la théorie sémiologique dite « de la tripartition » proposée par Jean Molino et développée par Jean-Jacques Nattiez, qui comprend l'étude des trois dimensions fondamentales de l'oeuvre : une analyse du niveau neutre (les structures immanentes), une analyse poïétique (les stratégies compositionnelles) et une analyse esthétique (les stratégies perceptives). Ce livre entreprend une analyse des structures immanentes du corpus, sur lequel sont ensuite projetées les catégories rhétoriques. L'hypothèse de base est que les traités de l'époque reflètent la manière dont Bach conceptualisait les préludes et figues du
Clavier bien tempéré. L'ouvrage tente de montrer ainsi que chaque diptyque prélude-et-fugue constitue un discours complet et cohérent. Le modèle analytique proposé permet sa caractérisation selon une succession de modes rhétoriques analogue à l'enchaînement
Exordium - propositio - contentio (confutatio + confirmatio) - peroratio, tel que théorisé par Johann Mattheson dans son traité
Der vollkommene Capellmeister (1739). La conceptualisation formelle hiérarchique et la différenciation des modes rhétoriques caractérisant chacun des deux membres du discours fournissent le cadre approprié pour l'exploitation du potentiel de développement contenu en germe dans l'idée initiale du prélude, d'une part, et de la figue d'autre part.
L'analyse selon la perspective rhétorique des préludes et figues permet aussi la mise en évidence des éléments qui régissent des proportions formelles, soit la proportion d'égalité et celle définie par le nombre d'or.
Enfin, en s'appuyant sur les propositions de Leonard Meyer, le livre se termine par une approche de ces structures du point de vue de l'esthésique, afin de montrer de quelles stratégies perceptives Bach a pu tenir compte en composant les 24 préludes et fugues du premier livre du Clavier bien tempéré.