Au moment du bicentenaire de sa naissance, Berlioz personnifie toujours
l'exception, l'originalité et l'étonnement. Face à ses grands peintres
et ses hommes de lettres du romantisme, la France tient en lui son seul
génie de la musique, rayonnant sur l'Europe entière. Compositeur avant
tout, mais autant chef d'orchestre virtuose, critique musical et admirable
écrivain, il n'a rien fait de tout cela comme tout le monde. Il passe pour
enfreindre les règles de métier alors qu'il les maîtrise, son idée des genres
musicaux déborde toutes les normes admises, une partition succède à
l'autre dans le choc infailliblement renouvelé de l'inattendu.
Si n'être jamais là où on l'attend est le propre du grand dramaturge,
alors il faut tenir le cap du spectacle et du suspens pour dépasser les clichés,
les contradictions et les malentendus, un ensemble d'idées reçues
dont Berlioz a sans doute plus souffert que tout musicien français. C'est
pourquoi le présent essai confronte vie, écrits et musique à l'imagination
scénique et la maîtrise technique de l'action pour y retrouver la source
d'une énergie créatrice sidérante.
Il est temps, le monde commence maintenant à s'en aviser, de ne plus se
limiter à la Symphonie fantastique, à La Damnation de Faust et à
quelques brillants extraits symphoniques, pour remettre à l'honneur les
opéras - Les Troyens, son chef-d'oeuvre - et bien d'autres ouvrages
inspirés par une conception avant-gardiste de la musique dramatique.