J'avais treize ans lorsque j'entendis Paganini. Homme étrange, fantastique, doué d'une puissance prodigieuse de mécanisme. Quelle justesse, quelle sûreté dans le trait, quelle chaleur sympathique dans le son ! C'est dans sa musique surtout qu'il était inimitable. Les oeuvres de Viotti, de Rode, de Kreutzer convenaient moins à sa nature nerveuse, fiévreuse même. Pour l'interprétation de Viotti qui demande une variété d'accent extraordinaire, il fallait l'archet fulgurant de Baillot.
On ne pouvait du reste faire de comparaison entre ces deux grands artistes. Certes Paganini n'eût pas joué comme Baillot le sublime Quatuor en ré mineur de Mozart ou le Septuor de Beethoven, mais, par contre, Baillot aurait été peu à son aise dans l'exécution diabolique de la musique de Paganini. Non que Baillot manquât de mécanisme, mais son tempérament le portait à éviter ce qu'il appelait les grandes excentricités.
Il me semble toujours voir Paganini tant il m'a frappé : son violon chante encore à mes oreilles.