Pour les combattants de la Grande Guerre, formés dans la tradition des musiques militaires, l'oreille fut parfois l'organe qui leur apprit, à leur corps défendant, la nouveauté technique du conflit ; elle leur permit aussi d'entretenir, sous la forme d'activités musicales développées dans des conditions précaires, un lien avec leur part d'humanité. A l'arrière, le caractère rituel des pratiques musicales - à commencer par le concert - donna aux discussions sur l'engagement et le patriotisme une traduction politique directe dont témoignent également la réorganisation de la vie musicale et parfois même la création d'institutions. Enfin, la guerre mit les compositeurs face à une véritable alternative esthétique et morale, entre la culture de la « musique pure » et la production d'une musique politique que certains envisagèrent comme une forme de combat.
En dépit de cet intérêt musicologique et historiographique, l'histoire de la musique entre 1914 et 1918 reste mal connue, en France comme ailleurs, et, à l'exception de quelques travaux pionniers, elle était demeurée jusqu'ici en dehors des champs de recherche des musicologues et des historiens.
Axé sur la France sans toutefois exclure le cas d'autres nations, c'est la multiplicité des manifestations de la guerre dans le champ musical et de la musique dans le champ de bataille que le présent volume veut aider à mieux connaître.