« Chansons des aventuriers de la mer », Chansons des rues et des bois, « C'est le chien de Jean de Nivelle... », Romances sans paroles : Hugo, Verlaine, comme bien d'autres poètes au XIXe siècle, empruntent à la chanson pour les titres de leurs poèmes et de leurs recueils ainsi que dans leur vers. Mais alors que les oeuvres des premiers poètes ont été des textes chantés, la chanson poétique du XIXe siècle n'est pas à l'origine destinée à être mise en musique. Pourquoi alors ces choix de titres et de style ?
Pour répondre à cette question, il faut en poser d'autres. Que désigne la chanson à l'aube de la littérature française ? Pourquoi et comment s'est opérée la scission entre poésie et musique ? Cette rupture fut-elle totale ? Pourquoi la chanson a-t-elle quitté le statut de pièce poétique à part entière qu'elle avait au Moyen Âge et à la Renaissance pour ne plus être qu'une oeuvre de circonstance aux XVIIe et XVIIIe siècles ? Dans sa présence nouvelle au sein d'oeuvres poétiques majeures à partir des Romantiques, quel rôle joue le regain d'intérêt des intellectuels européens pour les formes populaires dès la fin du siècle des Lumières ?
Le présent ouvrage propose un parcours chronologique allant de la canso des troubadours aux Complaintes de Jules Laforgue, afin que l'on puisse juger de la dette des poètes du XIXe siècle envers leurs prédécesseurs et de leur originalité lorsqu'ils réinvestissent des formes anciennes, faisant, pour citer Hugo, d'une « vieille chanson » une « chanson du jeune temps ».