Les diverses interprétations que l’on a données de la musique spectrale offrent une multiplicité de lectures qui brouillent sa compréhension. Or il s’agit d’un courant artistique majeur qui a renouvelé les conceptions de la musique savante dans le dernier quart du vingtième siècle et réformé son outillage intellectuel.
Le livre présent ouvre deux voies d’approche : une analyse de la nouvelle esthétique musicale replacée dans son contexte historique général; la mise en évidence d’un type de pensée qui fut indissolublement technique et philosophique. Ce sont les questions elles-mêmes et non les controverses qui sont au premier plan. Cet ouvrage, qui s’autorise quelques incursions dans le domaine sociologique et politique, s’attache principalement au débat de la musique et de la science depuis plus d’un demi siècle. Il montre l’assouplissement progressif des sciences exactes et la capacité des automates modernes à atteindre les échelles inférieures de la perception, découvrant notamment des jeux d’affinités insoupçonnés dans le phénomène sonore.
La musique spectrale fut une conquête sur l’art de son temps. Contre l’époque, elle soutint que la création musicale ne consiste pas à penser scientifiquement, alors même que son univers conceptuel est de plus en plus pénétré de sciences.
Pour la musique spectrale, le temps musical n’est pas une progression cumulative ni le milieu vide d’une succession de péripéties. Le temps est la forme d’un processus. Ainsi la musique spectrale est-elle l’art d’un devenir nécessaire, novateur, tendu vers l’accomplissement d’une fin.