Au début des années 1980, j'ai fait partie de la petite poignée de musiciens sollicités par Maurice Fleuret, alors directeur de la Musique au ministère de la Culture, pour réfléchir à l'introduction de l'improvisation dans l'institution des conservatoires, à commencer par Paris. J'avais alors à mon actif l'expérience de nombreux stages, la pratique professionnelle du jazz, de l'interprétation classique, de l'improvisation et de la composition, et j'avais écrit
L'Improvisation musicale , qui allait devenir une référence sur le sujet.
Nous étions enthousiastes à l'idée de révolutionner vraiment l'enseignement de la musique. Malheureusement, les choses n'ont pas été si aisées.
Petit à petit, les départements «jazz et musique improvisée» furent créés dans de nombreux établissements, mais sans relation avec les disciplines instrumentales classiques. L'improvisation était bien présente, mais comme un «petit plus», sans plus. L'exemple donné par le Conservatoire de Liège, dirigé par Henri Pousseur, nous avait pourtant montré qu'il était possible d'aller beaucoup plus loin, afin que l'improvisation, présente dans toutes les musiques du monde et qui avait irrigué la musique occidentale depuis ses prémices jusqu'au début du XXe siècle, revienne en force dans la formation musicale.
Il n'en fut rien en France. Au CNSMDP, petit à petit d'autres classes furent ouvertes (improvisation générative avec Alain Savouret, puis bien plus tard improvisation au clavier avec Jean-François Zygel et Thierry Escaich), mais elles restèrent sans rapport avec les classes «principales» d'instrument, ni avec les classes de composition. Or pour être efficace, cette réintroduction de la pratique improvisée dans les établissements pédagogiques aurait dû toucher au coeur : les pianistes devraient la travailler autant que le déchiffrage, et les apprentis compositeurs seraient bien avisés de s'y soumettre, ne serait-ce que pour comprendre physiquement le geste instrumental.
Mais tout change, et il n'est pas dit qu'en ce domaine il ne soit pas possible d'avancer encore. A condition d'inventer des passerelles, de revivifier des pratiques anciennes, de créer une pédagogie nouvelle. Et d'abord, sans doute, de se pencher un peu sur l'histoire de cette discipline fascinante.