En 1913-1914, il n'y a rien, en musique contemporaine, qui corresponde à Wyndham Lewis, Pablo Picasso ou Gaudier Brzeska. Stravinsky a, certes, bousculé Debussy. Mais sans dissiper le brouillard où s'est égarée la musique depuis le long déclin du contrepoint jusqu'à l'harmonie et Schönberg.
Le Ballet mécanique (1926) de George Antheil (1900-1959) - jeune compositeur américain qu'Ezra Pound rencontre, en 1921, à Paris -, ouvre une nouvelle voie :
« La "musique" qu'on enseigne dans les académies s'occupe de l'organisation de particules sonores, de sons qui présentent certaines variations à l'intérieur de la seconde, [...] d'une minute ou de dix minutes, ou, dans les "grandes formes", d'une demi-heure. Mais, en nous emparant des durées plus longues, nous voyons la possibilité de tempo-spatialiser le cliquetis, le grincement, le whang-whang et le gnnrrr d'une salle des machines, de sorte que la journée de huit heures ait son rythme, que les ouvriers, aux machines, soient démécanisés et ne travaillent pas comme des robots, mais comme les membres d'un orchestre. [...] Et c'est bel et bien un nouvel acte musical ; une nouvelle saisie de la vie par l'art, une nouvelle époque, une rupture avec les habitudes d'assentiment plus grande qu'aucune rupture accomplie par Bach ou par Beethoven [...] » Antheil n'avait-il pas annoncé son intention de « "mettre au même diapason" des villes entières » ?
Ce coup d'oeil ironique sur des siècles de connaissances musicales mal acquises rend au génie d'Ezra Pound, alias William Atheling, toute sa mesure: c'est en dépouillant l'art de ses scories et aberrations qu'il le rapporte à son essence singulière, et qu'il en ressuscite la forme pure au coeur d'un souffle, d'un « temps » nouveau.