9 mai 1945 : la capitulation sans condition de l’Allemagne est signée. Le pays et Berlin sont divisés en quatre zones d’occupation par les puissances alliées : à l’Est les Soviétiques, à l’Ouest les Américains, les Britanniques et les Français. La reconstruction matérielle, mais aussi idéologique et artistique du pays est immédiatement entreprise. La cassure fondamentale qui suit la découverte et la libération des camps mène à une nécessité radicale : éliminer toutes les racines idéologiques du nazisme par un processus de « dénazification » du peuple allemand, avant une phase de «?rééducation ».
Les arts sont mis à contribution à toutes les étapes de ces processus?: musique, arts graphiques, théâtre, cinéma ou encore littérature doivent exalter les nouvelles valeurs communes de démocratie et de liberté portées par les Alliés. Dans un premier temps, les esthétiques et les expériences modernes bannies et considérées comme « dégénérées » sous le IIIe Reich sont remises à l’honneur. Mais rapidement, il apparaît que les termes « démocratie » et « liberté » revêtent des significations très différentes de la zone Ouest à la zone Est-allemande. En filigrane à l’entreprise de « démocratisation » voulue par tous se dessine déjà un conflit idéologique qui prendra progressivement une ampleur mondiale : la Guerre froide.
Au fil des mois et des événements, la « rééducation » du peuple allemand se mue progressivement en une « réorientation » idéologique. Les arts se doublent alors d’un rôle stratégique : faire de la propagande politique en faveur de l’occupant, de diverses manières. Tandis qu’à l’Est l’esthétique du réalisme socialiste prévaut, la politique artistique anticommuniste remplace officiellement l’antinazisme dans les trois zones de l’Ouest. Conséquence directe de cette stratégie : la modernité artistique, largement subventionnée, y devient garante du caractère « démocratique » de l’art.
À travers le regard de musicologues, musiciens, historiens de l’art, de la littérature, du cinéma ou du théâtre, cet ouvrage propose un éclairage inédit de la renaissance artistique dans l’Allemagne occupée entre 1945 et 1949 et met ainsi en lumière des enjeux politiques et idéologiques trop souvent méconnus.
Textes de : Susanne Müller, Martin Laliberté, Enzo Traverso, Axelle Fariat, Laurence Thaisy, Emily Löffler, Dominique Herbet, Marie-Christine Gay, Kornélia Papp, Élise Petit, Arvi Sepp, Catherine Girardin et Bruno Giner.