Outre de donner une idée du style clair du romancier Claude-Jean Nébrac pour ses Mémoires imaginaires de Pierre Perrin (1620-1675), ce court passage situe ce qu’est l’existence du personnage principal en juin 1670 : un pionnier obstiné qui révolutionne un art contre l’avis général, et en particulier celui de Lully qui défend sa langue natale. Jeune Lyonnais de vingt-cinq ans venu faire éditer ses vers à Paris, Perrin suit avec intérêt certaines créations artistiques, telle ce Triomphe de l’Amour sur des Bergers et Bergères (1654), pastorale écrite par Charles de Beys, puis mise en musique par Michel de La Guerre. Lui-même voit bientôt ses poèmes servir à des musiciens variés – Boësset, Cambefort, Gouffet, Lambert, Moulinié, etc. – jusqu’à sa rencontre avec Robert Cambert. Convaincus par un premier essai – une élégie à trois voix intitulée La Muette ingrate (1658) –, les deux hommes se concentrent sur la composition d’une pastorale visant à faire oublier celle de leurs rivaux : Ariane et Bacchus (1659), soit une étape vers la création de Pomone, le 3 mars 1671, plus de dix ans plus tard.
Cette décennie n’épargne pas le pauvre Perrin dont les tourments financiers et juridiques se poursuivent. Jeune homme, il connut le non paiement de gages par le duc d’Orléans pour une charge d’introducteur des ambassadeurs et un mariage contesté avec une veuve sexagénaire qui le mène plus d’une fois en prison ; le voilà qui signe avec des escrocs qui se gardent bien de partager les recettes. Bien plutôt, il encaisse les coups bas du Florentin qui se détourne du ballet avec des ambitions nouvelles, le Roi ne souhaitant plus danser en public. Le héros malmené n’est pas seul à rendre compte d’une époque qui voit naître Ercole amante (1662), Psyché (1671), Les Peines et les Plaisirs de l'amour (1672) et Cadmus et Hermione (1673), puisque ces Mémoires imaginaires invitent d’autres témoins parmi lesquels Cambert, Molière et Lully, titulaire final de l’Académie royale de musique, ce qui multiplie les points de vue et précise les différents enjeux.
L’avant-propos, qui rend hommage à quelques musicologues ayant redécouvert l’opéra classique français (Lacôme, Pougin, Nuitter, Rolland, Prunières, etc.), ainsi que des annexes – qui proposent notamment une lettre de Perrin expliquant à l’archevêque de Turin son rejet de l’opéra italien… et des « chastrez » (1659) – assurent du sérieux de Claude-Jean Nébrac qui a choisit la voie d’une fiction toute relative pour mieux nous captiver.