De Debussy à la musique contemporaine de ce début de XXe siècle, du rock à l'electronica, des objets sonores de la première musique concrète à l'électroacoustique actuelle, du Poème électronique aux réalisations interartistiques d'aujourd'hui, le son est devenu l'un des enjeux majeurs de la musique. Tout s'est passé comme si la musique avait amorcé un changement de paradigme : nous sommes en train de passer d'une civilisation musicale centrée sur le ton à une civilisation du son. Et l'on pourrait parier que cette mutation est aussi fondatrice que la révolution qui, il y a quatre siècles, fit naître la tonalité : eu égard à la musique la plus avancée du xxe siècle, on s'aperçoit que le qualificatif d'« atonale » ne correspond qu'à son potentiel de destruction du passé, le recentrement sur le son en constituant la face constructive. Relire l'histoire de la musique des xxe-xxie siècles signifie donc en partie lire l'histoire mouvementée de l'émergence du son. Cette histoire est plurielle, car elle est composée de six mouvements parallèles : du timbre qui devient catégorie centrale de l'écriture musicale ; du bruit et de l'exploration de son potentiel musical ; de l'écoute dont la prise de conscience ouvre au son dans sa généralité; de l'immersion de plus en plus poussée dans le son ; de la substitution de la composition du son à la composition avec des sons ; de l'espace qui est progressivement pensé comme composable.
C'est en se croisant que ces histoires finissent par provoquer, de l'intérieur même de la musique, le changement de paradigme qu'évoque ce livre et qui mène de la musique au son.