La correspondance d'Erik Satie fait intimement partie de sa légende. Rares sont les familiers du compositeur qui n'y ont pas fait allusion dans leurs souvenirs, allant parfois jusqu'à fantasmer sur la relation très spéciale qu'il aurait entretenue avec ce moyen de communication.
C'est par des lettres ouvertes qu'il a fait ses débuts en société, c'est par des épîtres comminatoires qu'il a obtenu le premier examen de sa production dans un théâtre national, c'est par un paquet de lettres non expédiées que l'on a pu prendre la mesure de son unique passion amoureuse, c'est à cause d'une carte postale injurieuse qu'il a connu ses pires tracas.
Coutumier de la lettre de démission, visant le plus souvent à dissoudre des groupes fondés par lui-même, Satie a fait de la bulle d'excommunication un genre littéraire et inventé la louange d'un admirateur imaginaire par voie postale pour sa propre publicité.
Forme privilégiée d'expression du compositeur, les lettres d'Erik Satie ont ravi, par leurs formules humoristiques et le soin qu'il prenait à les calligraphier à la façon d'un bénédictin, ses très nombreux et souvent très illustres correspondants - Apollinaire, Cocteau, René Clair, Debussy, Picasso, Diaghilev, Picabia - qui les ont, presque tous, précieusement conservées. Cette correspondance, qui reflète son caractère intime, offre également un étonnant portrait de la vie culturelle parisienne au tournant du siècle.