Dès les années 1930, le philosophe Theodor W. Adorno s'est intéressé à la modernité naissante, liée à l'apparition conjuguée de la musique contemporaine - l'école de Vienne - et des nouveaux moyens techniques de reproduction du son et de l'image. Et jusqu'à sa mort en 1969, il a cherché à penser les relations complexes qu'entretiennent l'art, la technique et la culture dans la société moderne. Le volume Beaux Passages réunit une constellation inédite de textes des années 1960, consacrés à ces questions. Adorno y analyse l'influence de la radio et du disque sur la musique, étudie la variété des types d'écoute, s'interroge sur la création musicale et sur sa réception, rapproche musique et cinéma.
Qu'est-ce, en effet, qu'écouter ? Comment écouter ? Comment et pourquoi écouter la musique ? Qu'entendons-nous au juste quand nous écoutons une oeuvre ? Dans quelle mesure les nouveaux moyens de reproduction et de diffusion du son modifient-ils notre écoute, voire la musique elle-même ? Tout en ruinant bien des clichés, Adorno développe une pensée qui fraye un chemin original jusqu'à ce qui se glisse dans nos oreilles et jusqu'à ce qui vibre sous la peau de la musique. Critique radical de l'industrie culturelle et de la barbarie feutrée qu'elle annonce, il réhabilite cependant les techniques de reproduction et de diffusion : elles permettent, notamment, d'approfondir le lien entre la musique et le temps - le temps original du compositeur, et le temps personnel de l'auditeur. En libérant le lecteur des habitudes et des stéréotypes, en le conduisant dans la vibration intime des oeuvres, en l'ouvrant à la profondeur de la musique, Adorno tente de l'initier au sens de l'art et à sa raison d'être.