C'est à la suite d'une visite au musée Paul Klee de Bern lors d'une tournée de l'ensemble intercontemporain dirigé par Pierre Boulez que j'ai décidé de composer ce duo. Inspirés par de nombreuses oeuvres du peintre-musicien allemand, ces cinq moments enchaînés sont autant d'études sur la notion de ligne, particulièrement importante pour Klee. Ainsi, la première section, la plus rhapsodique et hétérogène, est-elle une apologie d'une ligne sans cesse brisée, formée de directions claires et juxtaposées. Le violoncelle se montre lyrique, mais aussi rythmique (lors de courtes cellules en homorythmie avec le piano). C'est l'alternance entre ces deux états qui structure le discours. En opposition avec ce début, la deuxième pièce est, elle, particulièrement homogène. Le violoncelle assure un bourdon quasiment imperceptible, écrin pour le déploiement d'une ligne très volubile au piano. C'est donc la souplesse qui caractérise cette section, au cours de laquelle les deux instruments entreront progressivement en fusion timbrique. Ce flux virtuose conduit alors à une section où les deux instruments ne font encore qu'un, fondée sur des accélérations et des ralentissements écrits dans une pulsation fixe. Une ligne sinusoïdale qui hésite entre pointillisme et continuité, interrompue par un mouvement plus mystérieux, où un trémolo est échangé entre les deux instruments. Enfin, c'est une ligne circulaire qui conclut l'oeuvre, dans un tourbillon pianistique où le violoncelle agit comme résonateur puis comme partenaire-relayeur.
Commandes des rencontres d'ensembles de violoncelles de Beauvais en 2007, ces Cinq pièces pour Paul Klee sont dédiées à leurs créateurs : Shani Diluka et Eric-Maria Couturier.
Bruno Mantovani