• Livraison gratuite dès 35 € en France métropolitaine
• Expédition immédiate !
• 30 jours pour changer d'avis !
• Avis clients
La poésie d’Apollinaire – comme celle de Verlaine – est presque toute déjà musique : comment ne tenterait-elle pas un musicien ? Mais justement, cette attirance doit le mettre en garde ; ce qui chez elle est vertu, chez lui peut tourner, s’affadir, pis encore, s’aigrir. Céder à la « chanson », pour une « mélodie », ce n’est pas déchoir ; mais à la « chansonnette », je ne sais… Dans Apollinaire, comme dans Verlaine, le compositeur devra surveiller ses élans (d’oreille, plus encore que de cœur) et se méfier du pléonasme. « La rose flotte au fil de l’eau » : que voulez-vous ajouter à ce vers sans poids ni pose ? Tout au plus peut-on le « dire », le plus humblement du monde, en en réservant l’effet magique, qui ne naîtra presque jamais des notes, toujours des mots.
Ces précautions ne sont pas oratoires : j’ai beaucoup hésité à « musiquer » Apollinaire, que je savais par cœur à quinze ans. Et de découvrir les uns après les autres tant de compositeurs ayant puisé à cette source inexhaustible – ne serait-ce que l’énorme catalogue de Poulenc – me confortait dans ma crainte, me signifiait à nouveau que nous avons peut-être tort de mettre de la musique, comme disait à peu près Hugo, au long de vers qui n’ont pas besoin de nous pour chanter.
J’y suis pourtant venu, à mon tour, et je sais quel a été le déclic : c’est, en relisant pour de bon ces poèmes (car la mémoire les use, il faut un jour les redécouvrir), d’avoir perçu, entre tel et tel, un fil mystérieux, dessinant quelque chose comme un parcours, je ne veux pas dire un récit. De ce lien secret est né ce petit cycle. J’emploie ce mot à dessein, de préférence au mot recueil : si fort que je puisse aimer vingt autres poèmes d’Apollinaire, aucun ne s’y pourrait glisser sans en rompre la cohérence, le climat de mélancolie et de regret. Guy Sacre